Homélie du dimanche 6 mars 2022
Joyeux Carême !
Oui, frères et sœurs, le Carême est une montée vers la joie, celle de Pâques.
Le mot pénitence n’est pas synonyme de macérations, de « petits sacrifices »,
mais de conversion… Il vient d’un mot latin qui signifie : « je me repens » et
donc je me ré oriente vers le Christ.
Les cendres reçues ce mercredi nous rappellent le triste visage que nous
faisons lorsque nous oublions les chemins de l’Évangile. Or, nous sommes nés
pour la joie. Alors, remettons-nous en route !
Nous avons 40 jours pour redécouvrir non pas une joie de pacotille ou superficielle
et sans fondements, mais celle de Pâques.
L’alléluia pascal, en effet, nous fera entendre une tout autre mélodie que celle
des fanfares de fête et de carnaval.
« Soufflons sur les cendre »s, il est encore temps de ressusciter le feu d’amour
de Dieu qui couve en nous…
Où allons-nous ? Ne sommes-nous pas occupés à passer à côté de l’essentiel ?
Chrétiens ou non, croyants ou non, nous faisons partie de cette société désorientée
et nous en sommes parfois bien « complices ».
N’est-il pas plus qu’urgent de nous arrêter un peu ?
Le Carême est un temps de lucidité, de prise de distance pour en revenir aux
questions vitales :
Qu’est-ce que je fais de ma vie ?
Sur quoi suis-je occupé à la bâtir ?
La simplicité et même le dénuement du désert nous recentre sur l’essentiel.
C’est l’Esprit qui conduit Jésus au désert après son baptême.
L’Esprit veut lui faire entendre sa voix, non pas celle des évidences
communes, mais celle de Dieu.
Jésus va prendre le temps de faire le tri entre tous les appels qui lui parviennent.
Il y a la voix du démon, du mauvais esprit, qui reprend celle des foules qui
veulent du pain, un roi puissant et des miracles inattendus.
Jésus, Lui entendra celle de l’Esprit Saint qui l’invite à l’écoute de la Parole de
Dieu, au service des autres et à une foi/confiance respectueuse de Dieu.
Ces trois tentations de Jésus sont aussi les nôtres.
D’abord, la tentation du matériel : « Change ces pierres en pain ! »
C’est la tentation de baser toute notre vie sur le matériel. Nous sommes devenus des
consommateurs.
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Certes, beaucoup n’ont pas encore le minimum vital, mais notre société a pris un
rythme dit de croissance sans s’inquiéter ni de l’épuisement de la planète, ni de
l’appauvrissement de nos relations, ni de notre vide intérieur grandissant.
Il y a un trop-plein, un excédent de bagages…
Ne faudrait-il pas retrouver une certaine « modération » ?
L’Évangile ne cesse de nous y inviter, mais nous sommes sourds. Et l’urgence
écologique nous le clame. « L’homme ne vit pas seulement de pain… »
Le Carême nous propose un antidote : le jeûne. Il s’agit de se désencombrer de
tout ce qui, finalement, nous empêche de vivre en vérité.
La nourriture est un de ces domaines où nous pouvons nous exercer mais aussi tant
de choses qui prennent trop de place dans nos vies et aliènent notre liberté au
prix de petites ou grandes compromissions…. Notre point d’appui n’est-il pas
souvent trop enraciné dans le matériel ?
Vient ensuite la tentation du pouvoir : « …si tu te prosternes devant moi », si tu
acceptes de pactiser avec le mal, si tu es prêt à n’importe quoi pour régner, pour
dominer, pour te justifier d’avoir raison, bref se mettre au centre de tout.
C’est toute la question « politique » qui se profile ici, mais aussi celle de nos
relations, car nous avons tous une petite parcelle de pouvoir : Sommes-nous
respectueux de la liberté des autres ?
Ne sommes-nous pas enclins à manipuler notre entourage, à tout faire pour évincer
celles et ceux qui nous gênent ?
Ici, l’antidote sera l’aumône, au sens large du terme : donner de soi-même, de
son temps, de son nécessaire.
Aimer, en effet, c’est faire de la place à l’autre, ne pas occuper tout le terrain. Jésus,
lui, le soir du Jeudi saint, se fera tout simplement serviteur, lavant les pieds de
ses disciples et il dira ce geste vous ne pouvez pas le comprendre… mais un
jour….
Enfin voilà Jésus au pinacle du Temple. « Ils te porteront sur leurs mains, de peur
que ton pied ne heurte une pierre. »
Tout faire pour ne pas souffrir.
Oh ! La souffrance n’est pas un bien. On ne le répétera jamais assez.
Mais il y a aujourd’hui telle obsession de la non-souffrance, un désir de couler des
jours tranquilles, de réduire au maximum les frustrations de toutes sortes et de vivre
« cool ».
Sommes-nous prêts à prendre des risques et à faire des choix qui pourraient
nous engager et donc nous « entamer » quelque peu ?
Si nous le savons bien, Dieu n’est pas une assurance tous-risques.
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Jésus lui-même n’échappera pas à la croix. « Jésus n’est pas venu pour détruire
la croix, mais pour s’étendre dessus » non « pour supprimer la souffrance mais
la remplir sa présence !
En refusant que Dieu intervienne magiquement pour lui épargner la souffrance,
Jésus accepte déjà la croix.
Et ce qui lui permettra d’aller jusqu’au bout de sa mission, ce sera sa relation intime
avec Dieu son Père, dans la prière.
Sur la croix, il pourra dire : « Père entre tes mains, je remets mon esprit, ma vie
nul ne la prend c’est moi qui la donne. »
La prière comme le pardon donné et reçu sont essentiels dans un Carême.
La prière est mise à l’écoute d’une autre voix que la nôtre.
Elle est le lieu où nous tissons des liens avec celui qui est notre véritable force pour
traverser les épreuves sans compromis ni lâcheté.
Si l’homme a besoin de pain (Jésus a eu faim), c’est-à-dire s’il doit participer à la vie
du monde dont il est membre, il doit d’abord se tourner vers le Seigneur qui l’appelle
à vivre de sa Vie : « C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui
seul tu rendras un culte ».
Le chrétien, plongé dans le monde, agit toujours sous le regard de Dieu.
Toute son action est une action de grâces en retour du don de Dieu qu’il reconnaît.
En ce début de carême nous est annoncé l’essentiel :
Notre vie est dans et sous la main de Dieu à qui nous devons donner toute sa
place…le reste suivra.
Père Frédéric